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La France en thérapie, ce sera pour une autre fois

Déçue. Je suis déçue. Je vais vous expliquer pourquoi.

Dès le premier épisode de la nouvelle série française qui cartonne dans l’Hexagone, du duo toujours gagnant Nakache-Tolédano, ceux qui ont vu Betipoul, la version originale made in Israël en 2005, ou In Treatment, l’américaine, sans doute la plus connue, de trois ans sa cadette, reconnaissent les personnages, les situations, les dialogues.

Dans les trois versions en question, on commence sur une femme en larmes – Je n’ai pas vu les autres : il y a eu jusqu’ici dans le monde 13 adaptations de cette série devenue culte –, une histoire de transfert, de couple qui s’effiloche, de petit coup à la va-vite, glauque à vomir sur le tapis. Et si on prend le temps de faire attention aux détails, on retrouve même certaines répliques. Ce n’est pas un reproche, juste une constatation. Il n’y a pas vraiment tromperie sur la marchandise : on nous a vendu la série comme un remake, elle n’est rien d’autre. Ce que je déplore en revanche, c’est l’opportunité manquée, la promesse non tenue.

Car la version française, en plaçant son premier épisode trois jours après les attentats du 13 novembre 2015, promettait de surpasser les versions qui l’ont précédée. En apprenant ce détail, souligné par tous les journaux, je m’étais déjà fait mon film. En psychanalyse, plutôt que de traitement, on parle de travail, celui de l’analysé. J’imaginais qu’En thérapie offrirait aux Français l’occasion d’un travail collectif de compréhension et d’assimilation de ces événements tragiques, un travail de résilience dont tous nous avons besoin. Je ne suis pas la seule, je crois, à m’être « fait ce film-là ». Et c’est sans doute pourquoi depuis qu’elle est disponible, seulement quelques jours, et avant même son lancement officiel sur Arte, près de six millions de personnes l’avaient déjà visionnée.

Aucun autre format ne pouvait mieux se prêter à ce genre de travail. En psychanalyse, on avance session après session, chacune se terminant à un moment choisi par le maître de séance, laissant une pensée en suspens. Pour donner à l’esprit le temps de poursuivre son chemin. Or les séries aussi, souvent, s’arrêtent au milieu d’une tension.

Mais revenons à mon mouton.

Au commencement, on y croit. On entre immédiatement dedans. Ariane, chirurgienne de son état, sort de quarante-huit heures de travail en continu à l’hôpital Saint-Antoine, à réparer des blessés et à ne pas compter les morts. Nous sommes aussitôt projetés dans le souvenir de cette nuit, de ce silence de stupeur et d’incrédulité, dans la douleur aussi et cette certitude que la vie de demain ne ressemblera pas à celle de ce matin. Dans cette époque de division, nous nous rassemblons aussitôt autour de notre traumatisme commun. Tandis qu’elle parle d’amour, de sexe, comme pour faire taire la mort, pour occulter le drame, les sirènes qui discrètement résonnent en arrière-plan nous le rappellent sans cesse. Le deuxième épisode continue sur cette lancée avec Adel Chibane, officier de la BRI, Brigade de recherche et intervention, intervenu justement au Bataclan le soir du drame. Le jeu de Reda Kateb nous rend l’horreur vivide.

Puis petit à petit, la date tragique du 13 novembre n’est plus que vaguement évoquée, retour à la normale. Aux conflits, aux angoisses, aux dilemmes du quotidien. Bref, la vie continue. C’est ce qui me dérange. Pourquoi alors avoir choisi cette période précisément ? Était-ce seulement un coup de pub, réussi, qui plus est ? Ou assistons-nous ici au premier raté du duo Nakache Tolédano ?

Attention, un raté, certainement pas un échec. Servie par une équipe technique et des comédiens remarquables, En thérapie se tient. Mais c’est tout malheureusement. N’en attendez rien de nouveau… À moins d’une surprise dans un prochain épisode.