On nous avait prédit un baby boom dans l’année – pour faire passer la pilule ? –, et même ceux qui n’étaient plus en âge de procréer y sont allés le pied léger – j’en rajoute pour l’effet. Et un coup pour la libido ! On imaginait que les couples, faute d’issues de sortie, œuvreraient pour la patrie. En réalité 2020 a encaissé une chute vertigineuse des naissances. Des promesses toujours des promesses !
Pourtant, ceux qui s’y connaissent un minimum en « la chose », qui ont eu l’occasion d’explorer ses mystères, d’essuyer ses caprices, auraient dû le savoir : le sexe, ce n’est pas seulement une histoire d’opportunité. Pour que la magie opère, il faut un minimum de décorum, de désir. Mais le désir apparemment, quand les portes de nos cellules – oups pardon, nos appartements – ont claqué derrière nous, il s’est sauvé par la fenêtre.
Réduits à nos fonctions de base, face à l’autre, en permanence, l’autre qui comme nous tourne en rond, sans aucune échappatoire, le désir s’étiole avec nous. On finit par se dégoûter, voire par se détester. Quel désir pourrait résister à cette odeur de renfermé, de macération familiale ? Sans compter que les seules nouvelles qui nous parviennent de l’extérieur distillent en notre cœur la peur – peur de cette pandémie, de la prochaine qui déjà guette, selon les spécialistes – creusant en nous un vide d’envie, un vide de vie, que nous tentons de combler en nous gavant de sucreries. Ou d’oublier dans l’alcool. La notion même de plaisir disparaît de nos quotidiens.
Ne nous étonnons pas alors d’assister au plongeon à pic, un splash et non un boum, de la natalité, l’effet le plus mesurable de la pratique sexuelle. Les autres étant le teint frais, la disparition de l’acné, la joie et la bonne humeur, pour n’en citer que quelques-uns.
Ainsi, aux États-Unis, où tout se fait dans l’excès, la natalité a tombé de plus de 15 %. De son côté, la France, se montrant plus raisonnable, aurait, selon l’Insee, enregistré une baisse d’1,8 % « seulement », soit 13 000 bébés en moins, atteignant le taux le plus bas depuis 1945. Les sociologues affirment que les femmes, pour la plupart, n’ont pas reporté leur grossesse, mais y ont renoncé. Et que ces bébés potentiels qui ne sont pas nés cette année ne naîtront donc jamais. Cette thèse, étayée par une étude publiée dans Demographic Research sur les populations de France, d’Italie, d’Allemagne et du Royaume-Uni aussi, concerne certainement l’ensemble des peuples confinés.
Devant ces chiffres spectaculaires, ceux qui pratiquent la haine de soi, la haine de l’humanité, au nom de leur amour, ô combien justifié, de notre belle planète, déclareront sans doute que nous ne l’avons pas volé, que nous sommes trop nombreux, et que si ça peut réguler !… J’en ai entendu même souhaiter la disparition complète de notre espèce. Pas de pardon. Pas de pitié. Débarrassez le plancher. Pour ma part, j’aime les hommes. Au masculin. Au féminin. Je n’ignore pas qu’ils savent se montrer égoïstes, cruels ou dominateurs. Qu’ils meurtrissent et parfois tuent. Mais je les aime quand même, dans leur globalité. L’humanité se trompe. L’humanité corrige. Lentement. Trop lentement. L’humanité s’impatiente. Mais l’humanité aime. L’humanité compatit. Et quel génie aussi !
Catherine Fuhg