Bon, je ne sais pas vous mais, pour moi, ces derniers temps, beaucoup de choses ont changé – non, pas d’introduction, j’entre directement dans le vif du sujet. Évidemment que je me doute que c’est pareil pour vous ! Le « je ne sais pas vous » est une manière de parler. Petit signe d’humilité. En effet, qui serais-je pour « savoir vous » après tout ?
J’ignore si ces changements que j’observe aujourd’hui subsisteront dans ce futur aussi lointain qu’incertain où j’aurai retrouvé ma liberté de circuler. Je ne suis pas oracle ! Je ne déchiffre pas les vols d’oiseaux rapaces déchirant à grands cris la quiétude d’un ciel clément (souvent à mes heures perdues, je m’essaie à la poésie, et parfois je me rate aussi).
Mais je m’égare encore. Peu importe que ces changements persistent après le confinement. Seuls comptent leurs enseignements.
Par exemple, je ne sais pas vous (non, je ne tourne pas en rond), mais je ne me lave plus les mains comme autrefois – il y a de cela moins d’un mois.
D’abord, à cette époque lointaine, je me lavais les mains, point barre. Avant de passer à table, après… ben, vous voyez… chaque fois, qu’il le fallait. Et quand je me lavais les mains, je laissais volontiers mon esprit s’égarer vers le travail resté en plan, les courses, le dîner – le repassage jamais (faut pas non plus exagérer) – les restrictions budgétaires imposées par la banque centrale (non, ça non plus, jamais).
Les mains dans le lavabo, j’avais la tête ailleurs. Jamais, je ne pensais : attention, je me lave les mains. Jamais, je ne me disais : si tu t’arrêtes à dix-huit secondes, tu es bonne pour le corona. Jamais, je ne surveillais le déroulement d’un bout à l’autre de cette opération pour contrôler la qualité du lavage de mes mains.
Eh bien, maintenant, oui. Et c’est d’ailleurs ainsi, en observant mes mains, que j’ai brusquement compris – il m’arrive d’être lente – d’où venait l’expression pourtant plutôt littérale : « Une main lave l’autre ». Oui, j’ai enfin compris, et vous pouvez le vérifier, qu’on ne se lave pas les mains, mais qu’elles se lavent l’une l’autre.
Et cette sale expérience trouve finalement son sens : une main lave l’autre, c’est vous et moi qui nous aidons au quotidien, c’est la solidarité. Sacré symbole, vous ne trouvez pas ?
Et pour vous, qu’est-ce qui a changé ?
Je sais, c’est abrupt, comme chute. Mais les chutes sont souvent brutales. C’en est même le principe.