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L’Oiseau captif

Mais libérez l’Oiseau captif !

Suivant les pas craintifs, puis de plus en plus résolus, de la poétesse iranienne, Forough Farrokhzad, à travers sa brève existence, l’Oiseau captif nous plonge dans son combat à mort pour être femme et s’exprimer.
Jasmin Darznik nous emporte avec une scène crue et cruelle, où une adolescente est traînée par sa mère à travers Téhéran, ignorant vers où et pourquoi. Son inquiétude augmente à mesure qu’elle s’enfonce dans un dédale de rues lépreuses. Ce qui l’attend au bout est d’une violence mate, faite de cris étouffés. Ainsi, l’auteure nous saisit dès les premières minutes et donne le ton de son roman, rudement poétique. Elle trace ensuite page après page le portrait d’une société où les femmes doivent rester invisibles corps et âme. Dans un Iran pourtant en pleine révolution. L’Iran des années cinquante.
Comment mieux illustrer la fièvre de modernité qui s’est emparée du pays que par la destruction du jardin familial ? On arrache les arbres fruitiers, les pins et les cyprès. Fini les cerises amères, les dahlias roses, le jasmin et le chèvrefeuille foisonnant. On recouvre la terre de ciment. Pour disposer en bon ordre des acacias artificiels. Tout doit changer. Pas de quartier.
Tout sauf la vie des femmes.
Depuis son poste d’observation, cachée sur le balcon, ou derrière une fenêtre, Forough, la jeune héroïne, regarde ses frères jouer librement dans la rue. Interdiction de les rejoindre. Leur liberté n’est pas la sienne. « Sa maison est son seul pays. Et le carré de ciel au-dessus du jardin le seul horizon qu’elle connaisse. »
C’est par la poésie qu’elle échappera à sa prison. Elle attire l’attention de l’homme qui règne chez elle, celui que ses enfants, sa femme appellent « le colonel » : son père, en lui récitant ses poèmes. Elle gagne même son approbation. Et elle goûte cette distinction. Jusqu’au jour où un texte révèle les secrets de son cœur. Forough a quinze ans seulement. Déjà presque trop tard pour la faire rentrer dans le rang.
L’oiseau captif raconte comment la voix exceptionnelle de Forough Farrokhzad a traversé les murs des traditions patriarcales. Et le prix fort qu’elle a payé cette liberté interdite. En signant ce tableau poignant, aux traits vifs et précis, Jasmin Darznik lui fait honneur.

L’Oiseau captif de Jasmin Darznik, titre original Song of a Captive Bird, publié en anglais chez Ballantine Books, en français aux éditions Stéphane Marsant.

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