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Touche pas à mon michael

Plus y a d’fromage moins y a d’fromage : le gratin germanopratin au secours de l’olympe hollywoodien

Heure d’été heure d’hiver, le monde en est toujours à l’heure de la morale à géométrie variable. On peut le vérifier au quotidien dans la presse : il y a deux sortes de coupables, ceux que l’on aime et absout, et ceux que l’on abhorre. Ceux qu’on dénonce, condamne, couvre d’opprobre à tour de bras, et ceux que l’on sermonne et punit d’une tape sur les doigts. On peut en juger aussi au degré d’indignation que soulèvent de mêmes crimes selon les sympathies ou non pour l’État qui les a commis. Ainsi, quand après cinquante ans, d’anciens petits enfants brisent le silence pour raconter leur viol par un curé, ils déclenchent une vague outrée de solidarité et un scandale au Vatican. Mais quand d’autres anciens enfants accusent de méfaits analogues le sacro-saint roi de la pop, on doute de leur mémoire et l’on crie au blasphème. Rien donc d’anormal à cela, ou plutôt rien de surprenant. Pourtant quelle indécence ! Car si les États sont forts, capables de se dépatouiller de cette partialité, des êtres vulnérables méritent un peu de pitié.

Comment ?! Alors que l’on daigne, depuis peu il est vrai, croire des femmes qui dénoncent leur agresseur après vingt ans, expliquant leur mutisme par la honte, la peine et la peur, on nierait à d’anciens enfants le droit de n’avoir pas osé élever leur petite voix pour raconter la vérité, de n’avoir pas compris ce qui leur arrivait, et même d’y avoir consenti, en quelque sorte, malgré eux.

Comment ?!

Les remous médiatiques créés par Leaving Neverland (1) devraient secouer les consciences. Dans quel monde vivons-nous où des stars se permettent d’ordonner publiquement à des témoins de se taire ? Dans quel monde vivons-nous où nos nouvelles idoles, dieux de la scène et des écrans, nous sont plus chères que nos enfants ? Je dis bien nos enfants. Car les enfants en danger sont nos enfants à tous, et notre devoir à tous est de les protéger. Or le message qu’envoient entre les lignes de leurs discours ces chroniqueurs, chanteurs et autres défendeurs, à de dangereux prédateurs est une promesse d’immunité. Tant qu’ils ont la célébrité… C’est pourquoi au-delà de la culpabilité, prouvée ou non, du King, sa défense inconditionnelle est pour moi, en soi, criminelle. Bien qu’il soit difficile de croire coupable un ami, amant, frère ou icône, cela n’autorise pas à le défendre à tout prix.

Mais voyons comment les people serrent les rangs autour d’un des leurs. En commençant par Diana Ross, mère de cœur du petit Jackson, qui supplie qu’on le laisse reposer en paix dans son trou. Paix à son âme, s’écrie-t-elle, oubliant de prier pour celle de ces petits garçons devenus grands, parents, et encore bien vivants. En continuant avec la grande et unique Barbra Streisand. Si j’avais le cœur à en rire, je résumerais ainsi son plaidoyer malheureux (infâme en réalité si elle ne s’était excusée) : ce qui ne tue pas nous rend fort, or ces enfants n’en sont pas morts. Manière élégante, s’il en est, d’envoyer les ingrats !, se faire sodomiser ailleurs. Sauf qu’on n’a pas envie d’en rire. En passant par ceux qui s’acharnent sur les parents des victimes, coupables au mieux d’aveuglement, de faiblesse, de bêtise, et au pire de complicité, mais pas de viol, ça non… En descendant jusqu’à Yann Moix, parce qu’il est de chez nous et mérite le pompon.

Ce monsieur attaque sa chronique sur Leaving Neverland, devant un Ardisson béat, revendiquant vigoureusement son manque absolu d’humour au sujet de Michael Jackson – moi qui ignorais qu’il était bidonnant dans certains domaines, je salue la nouvelle. Il déclare donc très sérieux que son idole ne pouvait être pédophile puisqu’enfant. Non pas à ses débuts, quand il avait cinq ans, mais au moment des faits, à l’âge de cinquante ans. Ne nous arrêtons pas à cette aberration. Car une aberration peut en cacher une autre. Et en effet, il poursuit : «Or un enfant, ça ne couche pas avec les autres enfants. Un enfant, ça ne couche qu’avec les adultes qui forcent les enfants à coucher avec les enfants (sic). »
Ce sophisme grossier est applaudi sur le plateau par un public complaisant et des présentateurs apparemment conquis par la brillante démonstration, si bien tournée et déclamée!

Qu’ajouter à cela si ce n’est que j’ai l’impression qu’au tournant de ses cinquante ans monsieur Moix a besoin de prouver qu’il existe et faire son intéressant. Sauf qu’on se fout de lui et de son démon de midi. Ce qui importe sont ces enfants qui continueront à souffrir d’innocents petits coups de bites d’adultes-enfants puissants parce que suffisamment d’idiots adorent encore des idoles.

Catherine Fuhg

Ps : Je tiens à préciser que j’apprécie aussi l’œuvre de Michael Jackson. Je danse et chante volontiers à tue-tête avec lui. Mais l’homme, je ne le connais pas. Et monsieur Moix pas plus que moi. Sinon, il l’aurait, j’imagine, crié sur tous les toits. Faciles ces jeux de mots ? Eh bien, tant mieux, j’assume.

(1) Ce documentaire est constitué entre autres du témoignage de deux hommes qui disent avoir été violés dans leur enfance par Michael Jackson.

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