En ce moment difficile, pour tous, partout dans le monde – en ce moment où l’inaction a raison de notre raison –, je lance mon nouveau blog que je dédie aux invisibles.
Aux quoi ? Aux qui?
Aux invisibles !
Mais, attention, pas aux sorciers qui se promènent incognito cachés sous des capes magiques, mais aux moldus comme vous et moi – j’avoue tester positif au virus Harry Potter. Comment ? Pardon ? On ne parle pas virus dans la maison d’un confiné ? Au temps pour moi, désolée !
Mais qui sont donc les invisibles?
Les invisibles sont ceux que nous croisons chaque jour mais sans jamais les reconnaître. Par exemple, les vendeurs qui, dans notre supermarché, rangent sur les étagères les articles que nous achetons. Eux que nous contournons – légèrement (voire plus) agacés quand ils nous bloquent le passage en faisant leur travail. Que nous interrogeons, sans leur accorder un regard, pour trouver ce que nous cherchons. La multitude de frères et sœurs, issus de cette fraternité dont nous nous réclamons fièrement, qui font tourner notre pays, et pas seulement pendant la crise.
Et qui encore ?
Ce sont les agriculteurs qui labourent, sèment, cultivent, récoltent les produits qui par enchantement fleurissent dans nos assiettes. À qui nous devrions adresser en premier toutes nos actions de grâce. Car eux existent, c’est sûr. C’est prouvé scientifiquement. Certains en ont même rencontré.
Ce sont les sans-abri qui dorment sur nos trottoirs ou sous les porches humides de nos immeubles bien chauffés. Que notre regard supérieur survole le plus vite possible comme pour les balayer sous les tapis de notre conscience, parce que nous sommes pressés, que nous travaillons, nous !
Ce sont les vieux que l’on dépasse parce que, vraiment, ils sont trop lents. Et sourds, en plus, apparemment. On a beau leur crier de dégager la piste quand on arrive à toute blinde sur notre trottinette, ils restent sur notre trajectoire.
Ce sont les vieux que l’on oublie derrière les murs étanches de leurs maisons de retraite.
Les vieux que l’on abandonne dans leurs appartements. Que l’on refuse d’écouter à l’arrêt d’autobus. Qui parlent à n’importe qui plutôt que d’être réduits à ne parler à personne.
Les vieux que nous avons aimés avant qu’ils ne deviennent gênants, avec leur odeur de vieillesse, leurs souvenirs et leurs dentiers.
Ce sont les vieux gentils mais aussi les méchants, les beaux, les laids, les sages, les fous, avec chapeau ou sans… Je sais, j’insiste lourdement. Je persiste même et signe. Les vieux, c’est important.
Enfin, ce sont les femmes et les enfants qui crient trop souvent dans le vide, derrière des portes fermées, parce que nous respectons les limites de la vie privée. Ce sont ces femmes et ces enfants qui n’existent pour nous que quand il est déjà trop tard.
Je raconterai donc dans ce blog des histoires d’invisibles. Pour qu’ensemble nous apprenions à les regarder dans les yeux. À les saluer au passage d’un geste, d’un sourire ou d’un bonjour discret. Comment !, me direz-vous, on n’en finira jamais. Je ne sais pas, peut-être. Mais si déjà, on commençait ?!
Bientôt premier rendez-vous avec un invisible !
Héros du quotidien