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Beaucoup de sel, peu de substance

Pactum Salis d’Olivier Bourdeaut

Oser d’entrée de jeu la référence biblique avec titre en latin est un pari audacieux. Un esprit malveillant, pas moi, pourrait presque y déceler un signe de prétention. Le Pactum Salis, donc, littéralement pacte de sel, évoque dans les textes sacrés une alliance éternelle, inviolable et incorruptible. Mazette !

L’auteur plante dans les premières pages un décor mystérieux, à la limite du réel, composé d’œillets, de dentelles, qui ne sont pas ceux que l’on croit, et démarre une intrigue qui se révèlera n’être pas non plus celle que l’on croit… Mais n’en dévoilons pas trop.

La nature resplendit sous la plume d’Olivier Bourdeaut, même si son flambloiement tourne parfois au kitsch. Mais quae sunt Caesaris, Caesari, pour ne pas le dire en français – espérons que César y retrouvera ses petits –, les descriptions invitent à voyager au cœur des marais salants du Croisic. Et le lecteur ne peut que répondre à l’appel de cette nature souveraine qui a su jusqu’aujourd’hui tenir tête aux humains, rester maîtresse des lieux.

De ce point de vue, rien à dire, l’auteur a réussi son coup. Pour le reste, j’émets des réserves.

Je regrette tout d’abord l’usage d’une ruse d’auteur, grossière, presque malhonnête, une ficelle pour tenir le lecteur d’un bout à l’autre en suspens. Ensuite, je déplore des dialogues où les répliques transpirent l’autosatisfaction. De l’auteur pas des personnages. Content de lui, en effet, il aligne les bons mots, souvent moyens d’ailleurs. Au diable, l’authenticité ! Enfin, je crains aussi de ne pas même aimer l’histoire.

Elle raconte la collision des solitudes de deux trentenaires bloqués en adolescence avec ce que cet état comporte en décharges de testostérone, mal, voire non maîtrisées. Ainsi concrètement cette amitié magnifique que nous promet le titre se réduit à un combat de coqs. Jean donc, le paludier, et Michel, le promoteur immobilier, commencent par se mettre sur la gueule, puis se prennent une biture pour se réconcilier. Ils communient ensuite en bavant devant une chatte entraperçue sur la plage entre des cuisses dénudées. Recuite. Et rebagarre. Un homme, ça cogne quand ça aime.
Sur ce fond d’amitié virile, de virilité sans fond, apparaissent quelques femmes. Sans relief, et pour cause : elles ne sont invitées dans ce roman masculin que pour servir de pivot, de catalyseur consentant à la dynamique des mâles.

Un plan cul pour que la sauce prenne, on enfourne et on sert sur tous les plateaux télés.

Sauf que quelques bons ingrédients et un certain talent ne suffisent pas à relever un roman fade car peu sincère. On est à des années lumières du sublime Narcisse et Goldmund, de la puissance des sentiments, de la noblesse du trait, de la littérature.

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