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J’ai même rencontré une pâtissière heureuse

J’ai découvert Glück par hasard. Une bizarrerie déjà en soi. Je ne suis pas une promeneuse. Pour prendre l’air, je ne sors pas, j’ouvre grand les fenêtres, et pour me dégourdir les jambes, je pratique la marche athlétique devant mon ordinateur en écoutant des Tedx ou autres conférences. Ne me plaisant à errer qu’en pensée ou sur papier, je pars toujours de chez moi avec une feuille de route que je suis à la lettre afin de minimiser le gaspillage de mon temps. Impatiente de naissance, je ne me connais que pressée. Aussi, la probabilité que quelque chose m’arrête ou me détourne de mon chemin est-elle égale à zéro. Avec une marge d’erreur, comme le démontre cette histoire.

J’ai oublié pourquoi j’avais jugé bon, ce jour-là, de me risquer dehors. Toujours est-il que j’avançais d’un pas vif – évidemment ! – sous les arcades de La Rochelle, lorsque dans une trouée, de l’autre côté de la rue, une vitrine m’apparut, semblant m’adresser un clin d’œil de mon pays d’adoption. Comment comprendre autrement ce Glück immense en lettres jaune me promettant, en allemand, la chance ou le bonheur – selon les traductions ? De l’un et l’autre, j’étais preneuse. Je traversai sans réfléchir, et m’engouffrai à l’intérieur.

Du fond de l’atelier, une femme en chignon et créoles me salua d’un joyeux : « Je m’essuie les mains et je viens ! » comme si elle m’attendait. Elle se tourna vers moi, avec ce genre de sourires qui vous éclaboussent de lumière. Je sus instantanément que j’adorerais ses pâtisseries qui m’aguichaient du haut de leur présentoir. Je ne me trompais pas.

Cette visite m’a suffi à devenir accro. J’y retourne maintenant pour booster mon moral quand son état l’exige. À coups de cuillérées gourmandes dans un cheese cake, un carrot cake, un brownie, un cookie ou autre divine damnation, bien sûr. Cependant, au-delà du réconfort gustatif, l’effet bonne humeur garanti tient à l’ambiance Laurène, la maîtresse de maison.

Je vous explique l’ambiance Laurène.

D’abord, c’est un décor.

Depuis le papier peint jusqu’au dernier coussin, chaque tasse, théière, sucrier, chaque élément du mobilier, Laurène l’a choisi avec soin, dans les brocantes, sur les marchés. Elle s’en est même, à sa guise, réapproprié certains – je préfère à customiser. En d’autres termes, Glück, elle l’a créé à son image, haute en couleur, libre, originale, généreuse.

Mais l’ambiance Laurène, c’est aussi la chaleur d’un accueil. Ici, on se sent en famille. Dès la première fois. Après, on y entre comme chez soi. On pose son sac n’importe où, tout en jetant un œil vers le comptoir aux tentations. On hésite à voix haute. Regrettant d’avance ces délices auxquels on devra renoncer – parce qu’il faut bien se limiter.

Une fois qu’on a tranché, on s’installe à une table pour attendre sagement. Ou pas. Libre à chacun d’engager une conversation avec les voisin et voisine ou Laurène en cuisine.

Enfin, on soupire d’aise, lorsque la maîtresse de salon apparaît devant nous, avec notre plaisir du jour. Il ne reste qu’à se régaler.

Mais qui est donc cette Laurène ? Se serait-elle échappée du jardin du chapelier fou ? Pas impossible, à dire vrai. Avec son petit air de pays des merveilles, on ne peut rêver mieux que Glück pour célébrer en chantant ses non-anniversaires*.

À part ça ? Sérieusement !

Je pourrais raconter sa vie, ses études d’architecture, interrompues brusquement, pour partir se chercher ailleurs. En Australie, pendant six mois, seule dans un camping-car. Laissant le hasard décider de ses prochaines étapes, rencontres ou aventures culinaires. Puis son retour à Paris. Son CAP de pâtissière. Et le début de sa carrière.

Je pourrais raconter aussi son grand-père, mineur de fond, qui lui donnait l’impression de traverser la jungle en l’emmenant pique-niquer à cent mètres de la maison. Son imagination transformait pour sa petite-fille un épi de blé en liane, et un chaton en tigre.

Il y a encore sa grand-mère qui l’a initiée aux joies de créer en cuisine.

Et ses parents, bien sûr, qui ne mettent d’autre condition à leur approbation que le bonheur de leur fille.

Sauf que j’en oublierais ainsi peut-être l’essentiel : l’amour qui l’a nourrie depuis sa tendre enfance. Cet amour qui lui a permis de tout oser, même d’être heureuse. Et qu’elle distribue aujourd’hui en sourires lumineux et en parts de gâteau.

L’amour, c’est l’ambiance Laurène.

PS  – Pour ceux qui n’ont pas la chance d’habiter La Rochelle, un dernier mot d’espoir. Laurène a aussi créé les kits « de folie » Hop Hop Hop, pour préparer ses recettes chez soi, facilement. Mettre au four. Et se délecter.

* Référence à Alice au pays des merveilles