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Je suis Perrette, Emma, la fermière et toutes les autres

Vous connaissez sans doute cette comptine enfantine, avec cette fermière, ses pommes, qui font rouli roula, dans un panier sur sa tête, et ses trois pas en avant, trois en arrière, etc. Inutile de préciser que la fermière tourne en rond. Et ne parviendra donc jamais à destination.

Un peu comme les femmes et leurs droits, si l’on n’y prend pas garde.

Finalement, la fermière aurait dû mettre des œufs au lieu de pommes dans son panier. Et hop, tous dans le même ! Parce que, comme le dit justement la devise populaire : on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs.

Mais, arrêtons les paraboles. Aujourd’hui, j’ai besoin de parler à mots nus.

Nom de crénom de nom !!!!

Facebook est un lieu virtuel. Une foule bigarrée s’y promène, s’y rencontre sans risquer de se bousculer. Des idées s’y partagent. Des mots y fusent sans se heurter. Des amitiés se nouent et dénouent librement. Et on s’y trouve à l’abri, chacun derrière son écran. Voilà ce que je pensais avant de réaliser que cette « plateforme », en fait, est un lieu bien réel.

Il y a quelque temps, je reçois le message privé d’un inconnu facebookien*. Message, c’est beaucoup dire. Il ne consiste qu’en un mot : « jolie ». Je n’en tire aucune gloire, je vous prie de me croire, et choisis de ne pas répondre.

Mais le Facebookien inconnu en décide autrement. Il revient à la charge. Si j’étais mal élevée, je l’enverrais promener. Lui dirais de me ficher la paix. Y a rien à voir. De dégager. Au lieu de ça, donc, je me tais. Comme j’ai appris à le faire pour survivre dans l’espace public. Selon cette règle tacite qui se transmet de mère en fille.

On te siffle dans la rue, on t’appelle ma chérie, te colle la main aux fesses, tu baisses les yeux, tu presses le pas, mais tu ne répliques pas. L’idée maîtresse étant celle-ci : surtout ne provoque pas. Donc, toi, la grande gueule, tu la fermes. Ton cœur bat dans ta gorge à t’en donner la nausée. Tu espères que le loup – ah non, pas le loup, le sagouin – comprendra le message, qu’il acceptera ton silence comme signe de reddition. Car il s’agit d’un jeu de chasse. Ni marrant ni innocent. Avec toujours le même gagnant.

Ainsi, mon harceleur Facebook continue de me poursuivre. Lentement, il s’échauffe. Le ton monte. C’est perceptible, même par écrit. Comment ?! J’ose l’ignorer. Je l’insulte par mon silence ! De quel droit j’ose le juger ?! Le mépriser ?! Et d’abord, pour qui je me prends ?!  « Euh, ben, je sais pas, moi, pour la jolie, la chérie, aux beaux yeux, à la chevelure… »

Sauf que, là, soudain, j’ai perdu l’envie de plaisanter. En effet, ressentant dans ce lieu virtuel, une agression bien réelle, j’ai compris que nulle part, jamais, ni moi ni aucune femme ne serons à l’abri tant que nous nous tairons, que nous baisserons les yeux, face aux « chéris », aux « jolis », aux « je t’aime » d’inconnus, aussi offensifs, incongrus, sur le Net que dans la rue.