Mon médecin est un artiste. Pas seulement parce qu’il peint. Car selon moi, ce n’est pas l’art qui fait l’artiste mais le contraire. Son attitude le définit, face au monde, à la vie. Par sa passion, son empathie, il change tout ce qu’il touche en art. Comme par magie.
« Ainsi, Pablo Picasso, grand salaud devant l’éternel, qui se moquait ouvertement du commun des mortels, ne serait pas un artiste ?! » En effet. Juste un peintre.
Mais laissons là le génie, pour parler de cet artiste qui nous importe aujourd’hui – ça y est, oui, respirez, l’introduction est passée.
Je ne l’ai pas rencontré dans un théâtre ou un musée, une galerie ou salle de concert, mais au cours de ma quête d’un médecin traitant. Ayant certaines exigences en matière de santé, j’avais déjà disqualifié un certain nombre de praticiens. Ceux qui m’avaient sans préambule demandé ma carte vitale, ou qui avaient procédé à mon examen clinique les yeux rivés sur l’écran de leur ordinateur, ou encore ceux qui du haut de leurs sept ou huit ans d’études me signifiaient leur mépris, jugeant superflues mes questions, inepte mon souhait de comprendre ce qu’ils préconisaient. J’attends d’un médecin qu’il soit d’abord un être humain, qu’il s’intéresse à moi, pas seulement à mes symptômes. Ils n’en ont pas le temps ? Qu’ils le prennent ou changent de métier. Mais je m’éloigne de mon sujet.
Ainsi, ai-je atterri passablement découragée dans ce cabinet médical. Aux murs de la salle d’attente, étaient accrochés des tableaux. Pas des reproductions de toiles de maîtres éculées, ni des peintures décoratives achetées dans des vide-grenier, mais des toiles aux couleurs et motifs vivants, et mouvants. Je n’ai pas douté un instant qu’elles étaient l’œuvre d’une même main. La signature en bas à droite m’a révélé que leur auteur était le médecin en personne !
Tiens, tiens, un médecin peintre. Ou un peintre médecin ? Voilà de quoi piquer ma curiosité, qui n’en a d’ailleurs pas besoin. Et je n’ai pas été déçue.
Bien sûr, je l’ai adopté. Mais il m’a fallu plusieurs mois avant de lui avouer que j’adorais sa peinture. Un jour, au cours d’une consultation, il m’a prévenue qu’il s’absentait. Il partait pour le Rajasthan organiser l’infirmerie dans une école pour intouchables, fondée par un ami. Il envisageait même d’implanter là-bas une clinique. J’étais impressionnée. Où trouvait-il le temps encore et l’énergie de s’investir dans une mission humanitaire au bout du monde ?!…
Il est revenu d’Inde résolu à agir et des images plein les yeux, qui lui ont inspiré une série de nouvelles œuvres. Leur vente devrait contribuer à financer ce dispensaire pour les plus défavorisés d’entre les défavorisés
Son vœu ne restera pas lettre morte. Le grand moment est arrivé. Il exposera pendant trois jours, à partir de demain, le fruit de son travail, dans le légendaire chalet du Mail de La Rochelle. Nul doute que sa clinique bientôt ouvrira ses portes pour accueillir et soigner les enfants du désert.
Décidément Thierry Lagrange est un artiste. Un vrai. Pas de ceux qui s’enroulent mille fois autour de leur nombril. Un artiste tourné vers le monde. Ancré dans la réalité. Et ses toiles en témoignent, qui nous enveloppent, nous emportent. On ne s’étonnerait pas de les voir soudain s’animer et de se retrouver soi-même au milieu de leurs couleurs, montant à bord de ce bateau, regardant la côte s’estomper, renvoyant un ballon à des enfants derrière une dune, ou bavardant avec leurs mères…
Exposition du 28 au 30 août 2020 – Vernissage le 28 à 18 heures
Chalet du Mail : 58, allée du Mail – La Rochelle.