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On dirait que je suis morte

La saleté et Mona ne font pas bon ménage

Ce premier roman inspiré de la biographie de l’auteure commence à pas tranquilles, l’air de ne pas y toucher, à la veille d’un nouveau chapitre de la vie de Mona, l’héroïne de vingt-quatre ans. L’heure est venue pour elle d’apprendre à avancer sur son chemin, sans garde-fou. C’est-à-dire sans Sheila, cette tante qui l’a recueillie, l’a accompagnée et soignée, à défaut de la guérir, à travers l’adolescence. Sans cette tante qui l’a protégée d’elle-même et de ses démons. Sans Sheila qui part en Floride pour une retraite ensoleillée.
Dans ce début, Jen Beagin raconte à petites touches une existence de routine, de solitude à deux, sans mélo ni grandiloquence, à la manière d’Edward Hopper. Si déjà le malaise transparaît par éclairs, rien ne laisse encore présager de l’avenir ni du passé. Avec son style tout simple, au sens noble du terme, l’auteure nous emmène où elle veut.
Nous suivons donc d’un pied léger Mona dans son histoire d’amour avec monsieur Dégoûtant, cet artiste sans dent, qui a tourné junkie au détour du succès. Nous la suivons aussi dans ses séances clandestines de photo au travail, et sous-vêtements et tablier. Même dans sa folie du ménage. Car attention !, Mona n’est pas le genre à balancer son plumeau au hasard, à balayer sous le tapis ou éponger sans conviction. Mona ne bâcle pas. Le nettoyage, pour elle, est un combat personnel. Aucune saleté, nulle part, n’échappe à son radar. Il faut dire qu’en matière de crasse, elle est experte depuis l’enfance. Elle a grandi dans la fange. Et nous sommes encore avec elle lorsque, la rage au ventre, elle frotte, elle astique, elle décrotte sans parvenir jamais vraiment à se laver de ses souillures.
Malheureusement, dans un tournant, l’intrigue déraille soudain. On s’accroche, espérant un rattrapage in extremis, pour amortir la déception, un revirement, une surprise… jusqu’à la fin abrupte. On en reste perplexe. Dommage.

On dirait que je suis morte, titre original Pretend I’m dead, publié en anglais chez TriQuaterly, en français aux éditions Buchet-Chastel.

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