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Un frenchie à New York

Encore un invisible qui fait la différence.

Laurent n’est pas un frenchie à la mode de Hollywood. Dandy dragueur sans profondeur, affecté d’un accent « charming » – prononcez à l’améwikeyne – qui a tendance à s’alourdir sous l’effet du Brandy.

Et il n’est pas non plus de ces Français roquets, arrogants sur les bords, et pas seulement sur les bords, ces héritiers des Lumières qui, comme tant héritiers, n’ont pas d’autre mérite que celui d’avoir hérité, mais ne s’en autorisent pas moins à mépriser les Amerloques – ces crétins à bouffer du foin, sans histoire ni culture –, en se gavant de leurs navets et de pop-corn en garniture. C’est que nous, les Français, avons inventé le chic, les droits de l’homme et la nouvelle cuisine.

Non, Laurent n’est pas de ceux-là.

Installé à New York depuis plus de vingt ans avec sa femme et ses enfants, il y a construit sa carrière, sa vie, sans chercher à se distinguer. Du moins, pas en tant que frenchie. Aujourd’hui, employé d’une multinationale, il dirige la gestion – livraison et entretien – de matériel médical, pour les quatorze hôpitaux qui constituent le célèbre New York-Presbyterian. Entre autres.

Or, les fameux respirateurs, auxquels est suspendue la vie de milliers de personnes aujourd’hui dans le monde, comptent parmi les appareils dont ce monsieur a la charge.

Quand Covid-19 a chargé, Laurent a eu l’idée d’adapter à ce virus un système de surveillance de malades à distance, utilisé jusqu’ici pour d’autres pathologies, comme le diabète, l’hypertension, les troubles cardiovasculaires… Cela devait permettre de garder les lits d’hôpitaux pour les patients les plus atteints, tout en protégeant les autres, qui seraient renvoyés chez eux.

Sans perdre un temps précieux à remonter l’information jusqu’en haut de la hiérarchie pour faire valider le projet et couvrir ses arrières, sans en perdre encore plus en réunions interminables pour s’écouter parler, douter, ergoter, la machine a été lancée : médecins et ingénieurs se sont mis au travail ensemble. Et en moins de deux semaines le système était implanté. En moins de deux semaines… « Que la lumière soit et la lumière fut ! » Je sais, j’abuse, mais avouez que ça force l’admiration.

Non, non, ce n’est pas tout !

Laurent Verard à l’action, avec Alexa Barlow, collègue pompier, et George Wahlers, ex-chef de sa caserne

Donc, vous l’aurez compris, Laurent n’est pas peu occupé. Pourtant, pendant son temps libre (si, si), il sert sa communauté en tant que pompier volontaire. Ainsi et comme, apparemment, il n’est jamais à court d’idées, il a, en tant que tel, organisé  une collecte autour de sa caserne pour offrir des repas aux personnels soignants, engagés dans la lutte contre ce fichu virus, et il a rassemblé des milliers de dollars.

Il a, parallèlement, mobilisé des commerçants qui confectionnent, pour cette bonne cause, des sandwichs à prix coûtant, que Laurent et d’autres pompiers se chargent ensuite de livrer dans différents hôpitaux.

Je parie que ces sandwiches, témoignages de la gratitude de la population, font plus que rassasier médecins et infirmiers.

Et à part ça ? ironise-t-on, sous le coup de l’admiration.

Oh, à part ça, pas grand-chose. Il continue seulement à foncer, avec sa brigade, éteindre des incendies et sauver des vies.

« Voilà, voilà, c’est tout », conclut Laurent modestement. Car il ne tire pas gloire de ses actions généreuses. Pour lui, rien de plus normal.

Et moi qui imaginais que les héros de ce genre  ne vivaient que dans les séries télé américaines !

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