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À nos mamans

Non, ce n’est pas la fête des mères. Et alors, qu’est-ce que ça peut faire ? Je ne vous savais pas aussi conventionnel.

D’autant qu’on les fête comment, nos mères, exactement ? En ce fameux dimanche fixé par le calendrier, on achète un bouquet de fleurs, une boîte de chocolats, et les lui apporte en coup de vent. « Bonne fête, maman. Ça va ? » Sans écouter sa réponse, on lui tend nos offrandes, qui n’ont coûté que de l’argent, et lui claque les deux bises (ou quatre) règlementaires. « D’accord, un petit café. Mais rien de plus, je suis pressé… »

Amour arc-en-ciel

Ça fait longtemps qu’on ne passe plus des mois à bricoler ce cadre photo en carton, avec un arc-en-ciel sur lequel on a tracé d’une main maladroite un « Bonne fête, maman » appliqué, entouré de plein de cœurs de toutes les couleurs.

Depuis, nous avons grandi. Nous sommes devenus adultes, entendez « super busy », et nous avons perdu le goût de ce genre de mièvreries. Surtout que l’amour d’une mère, c’est tellement évident ! Pas la peine d’en faire des caisses. D’ailleurs, il ne faudrait pas non plus l’idéaliser. Maman, on l’aime, d’accord, mais elle est loin d’être parfaite. Et d’entonner la litanie de ses nombreux délits. Pour nous racheter à bas prix.

En plein coronavirus ?!

Mais qu’est-ce qui me prend, brusquement ? Comme si vous n’aviez pas assez de problèmes en ce moment ? Avec le corona, le confinement, tout ça ?

En fait, non. Pas vraiment. Ces problèmes-là passeront. Vos regrets, eux, resteront, si vous ne prenez pas à temps quelques minutes pour lui parler, pour la remercier, lui dire que vous l’aimez, que vous oubliez ses erreurs, et les lui pardonnez. Car elle, vous pouvez me croire, ne se les pardonnera jamais. Oui, les regrets demeurent, si l’on loupe le coche. Et maman n’est pas éternelle.

Je sais, c’est ce qu’elle vous dit. Du moins vous le disait-elle. Avant de laisser tomber. Alors, comme moi, vous souffliez, en levant les yeux au ciel : « On le sait, ça, maman. Personne n’est éternel ! » Mais vous n’y croyiez pas vraiment. Pas plus que maintenant. On croit toujours avoir le temps.

Et un jour, ça vous prend. Comme moi, ce matin.

Pour ne pas me laisser piéger par la routine et l’ennui, j’invente des menus variés pour mon petit déjeuner. Aujourd’hui, j’avais envie de croquer quelques amandes (ben non, pas seulement, en accompagnement). Je ne me méfiais pas. Pourtant cet accès de gourmandise m’a embarquée en un clin d’œil dans le placard à délices de l’appartement de ma mère.

Elle y  gardait toujours, en prévision de mes visites, mes friandises préférées : chocolat praliné, gingembre confit, amandes, justement, en tout genre, enrobées de chocolat, au caramel, au sésame… Je pouvais toujours essayer de venir à l’improviste. Rien ne manquait. Tout m’attendait. Elle aussi m’attendait. Sauf que je ne venais pas. Ou que j’ignorais ces douceurs par simple étourderie. Pas un regard. Pas un merci.

Et c’est ainsi que ce matin, au détour d’une envie, somme toute assez banale, je me suis retrouvée en larmes, devant mon petit déjeuner, souffle coupé, inconsolable.

Alors, si vous avez la chance d’avoir encore une mère qui peut entendre vos paroles, ne la faites pas attendre jusqu’à la fête des mères. Dites-lui maintenant « Je t’aime », comme lorsque vous étiez enfant : « Jusqu’à la lune, jusqu’au soleil, et jusqu’au bout de l’univers ».