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Les livres, oui, mais autrement

Le livre n’est plus ce qu’il était. Ce n’est pas une critique, simplement un constat. Et je n’enchaînerai pas avec des « de mon temps ». Ce que personne ne dit plus, d’ailleurs, de notre temps… Autre constat.

Le livre, objet rare et précieux, qui transmettait autrefois le meilleur de la pensée, est devenu un produit de grande consommation. Ce n’est donc pas par erreur qu’il se trouve désormais en vente entre les rayons hygiène, primeurs et quincaillerie.

Les maisons d’édition se sont, pour la plupart, transformées en usine, où l’on publie à la chaîne. Et leurs patrons sont devenus des industriels comme les autres.

Aussi, lorsque, aujourd’hui, certains d’entre eux s’alarment – le coronavirus mettrait leur métier en danger –, j’ai envie de leur suggérer de s’adapter rapidement. À l’instar de leurs collègues de tous les autres secteurs, de l’élevage à l’automobile.

Et comment, s’il vous plaît ?

Un instant, j’y arrive !

Dans l’édition, comme dans la mode, une saison chasse l’autre, et comme pour les Smartphone, lave-linge et machines à café, l’obsolescence des livres est plus ou moins programmée.

De rentrée littéraire en rentrée littéraire, les nouvelles parutions chassent celles du mois passé. Ça tourne sec sur les étals. Et puisqu’on ne publie pas de chefs d’œuvres à la pelle – mais des best-sellers, oui –, on produit des tonnes de livres à consommer et oublier. Là encore, je ne critique pas. C’est la loi du marché. Tant que tout le monde y trouve son compte. Que rien ni personne n’en pâtit.

Photo de linmtheu/ Librairie à Athènes

Sauf que justement si !

Pour produire ces machins – j’ai bien écrit « machin », j’aime appeler un chien un chien –, on a besoin de papier. Or, la plupart de ces machins – j’insiste, pour l’effet rhétorique – ne vaut pas la première branche des arbres abattus pour pouvoir les imprimer puis en envoyer au pilon par dizaines de milliers. Et qu’on ne prétende pas que proportionnellement, en terme de déforestation, le livre n’a pas plus d’impact qu’une goutte d’eau dans la mer*.

Pour la révolution du livre, partout et maintenant !

Puisque les gens du livre sont progressistes et cultivés, qu’ils se mettent à la page ! Un peu facile ? Je sais. Nous avons justement la chance de disposer déjà du support de remplacement : la liseuse électronique. Alors pourquoi ne pas basculer le plus vite possible vers une production exclusive de livres immatériels ? Ainsi, confinement ou pas, les maisons d’édition pourront continuer à engranger des profits.

photo de Rosina Kaiser

La clé, se réinventer

Quant aux consommateurs, appelés ici lecteurs, qui fétichistes comme moi adorent le livre objet, les grandes  bibliothèques et les petites librairies où l’on circule en silence dans des allées étroites et sombres, bordées d’étagères poussiéreuses du sol jusqu’au plafond. Eux qui, comme moi encore, adooooorent l’odeur du papier et son contact sensuel. Ils devront s’adapter aussi. Pourquoi ne pas essayer d’aller lire en forêt, adossés à un arbre ? Ainsi, dans quelques années, un siècle maximum, on se pâmera dans les salons en évoquant le plaisir de sentir l’odeur de terre, de mousse, de champignons, en lisant un nouveau Dupont !

Pour ce qui est enfin, de nos libraires indépendants, ce peuple merveilleux de dingues, de passionnés, je ne suis pas inquiète. Ils sont tellement créatifs, ils sauront se réinventer. Et, les autres, les marchands, de la grande distribution, ils n’auront qu’à se recycler… dans les masques FFP2. Il paraît qu’il y a un marché !

Vous me concèderez que pour une auteure en quête d’un éditeur et de lecteurs, j’ai l’art de me faire des potes au bon endroit au bon moment. Si ça, ce  n’est pas du talent ?!

*La goutte d’eau – rien que la française – représente environ 380 millions de livres imprimés chaque année (76 000 titres). Ça fait quoi en nombre de pages ? Si l’on en compte 200 par livre, une toute petite moyenne, le compteur monte allègrement à 76 milliards. Pas mal pour une goutte d’eau.